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24 juin 2024

Tribunes anti extrême droite : le blanchiment d’opinion des médias mainstream

On ne les compte plus, ces tribunes contre l’extrême droite. Elles sont assez étonnantes : la plupart ne réunissent que quelques centaines de signataires. Dans de rares cas, cela atteint les quelques milliers. Et pourtant, elles remplissent bien l’espace médiatique, produisant un bruit de fond efficace qui éclipse les débats de fond de la campagne électorale.

Un mode opératoire bien rodé

Le mode opératoire est systématique et bien rodé. Tout d’abord, un nombre très limité de personnes diffusent un appel dans leur secteur d’activité (sport, religion, activité militante, etc.). Généralement, il s’agit d’un noyau de quelques personnes, avec un avantage pour des personnes morales (associations notamment). Il s’agit d’un petit groupe, généralement 2 ou 3 personnes et/ou associations, qui rédigent la tribune de la manière la plus large possible pour rassembler un maximum de signataires.

Ensuite, la communication de cette tribune fraîchement créée circule sous le manteau, dans les boucles privées (Whatsapp, Telegram, emails, etc.) afin d’engranger les signataires.

Du point de vue technique, c’est assez simple à mettre en oeuvre: un formulaire dédié avec le texte de la tribune que chacun peut “signer” aisément en soumettant le formulaire (Google Forms par exemple), le reste n’étant que de la communication et du marketing relationnel visant à convaincre un maximum de personnes de signer la tribune.

Une fois un certain nombre de signatures atteint, une autre étape s’ouvre : communiquer ce résultat aux médias afin qu’ils relaient l’initiative. 500 signataires semble être la limite magique à partir de laquelle on peut commencer à espérer un relais massif des médias mainstream.

L’intérêt journalistique de ces tribunes

L’intérêt journalistique de ces tribunes artificiellement créées est faible : 500 clampins qui mettent leur nom sur un papier n’a aucune valeur informationnelle ou statistique pour les citoyens.

On ne parle pas de millions de signataires ni même de centaine de milliers de signataires, mais de quelques centaines. Il n’y a donc aucun engouement objectif à l’égard de ces tribunes. Elles restent dans des cercles assez fermés et ne devraient donc pas – en tant que telles – faire l’objet d’une attention journalistique prononcée.

Du pain béni pour les médias

Si ces tribunes ne présentent aucun caractère informationnel pertinent, elles n’en sont pas moins du pain-béni pour les médias. Elles permettent en effet à un média de grand chemin de communiquer contre l’extrême-droite sans pour autant se positionner officiellement.

Ainsi, ils restent “irréprochables” : ils ne prennent pas position, ils informent simplement leurs lecteurs ou auditeurs d’un fait journalistique, à savoir qu’une tribune a été signée par 500 personnes. Après tout, les médias sont libres de leur ligne éditoriale, et s’ils estiment qu’il s’agit d’une information pertinente dans un contexte électoral, ils ont bien le droit de la relayer.

Du blanchiment de fausses nouvelles au blanchiment d’opinion

Quelle que soit l’opinion qu’on porte à Idriss Aberkane, il a eu le mérite de décrire un mécanisme très simple utilisé par les médias : le blanchiment de fausses nouvelles.

Le principe est si trivial qu’on en saisit immédiatement le danger :

  1. Un premier média diffuse une information non-vérifiée
  2. Ce “fait” est repris par les contributeurs Wikipedia
  3. Ce qui en fait une réalité reprise à son tour par les autres médias.

En d’autres termes, Wikipedia est parfois utilisé comme une lessiveuse de simples rumeurs : une fois intégrées à une page, elles sont alors reprises pendant des mois et même des années par tout type de médias. C’est un dilemme étonnant qui se rapproche de celui de l’œuf et la poule, mais qui ne semble pas choquer outre mesure les journalistes de grand chemin à l’éthique pourtant exemplaires, comme chacun sait.

La diffusion prononcée de “tribunes citoyennes” obéit au même schéma, à l’exception qu’il ne s’agit pas de blanchiment de fausses nouvelles mais de blanchiment d’opinion, les tribunes étant traitées comme un simple fait journalistique, préservant ainsi le caractère neutre des médias les diffusant.

Les médias sont-ils commanditaires ?

Le blanchiment d’opinion vampirise toute la campagne électorale des législatives : on ne parle quasiment que de ça. Chaque jour sa tribune, chaque jour sa manifestation de quelques centaines de personnes contre l’extrême droite, complaisamment relayées par les médias mainstream qui souhaitent faire battre le Rassemblement National sans toutefois écorner leur image de neutralité.

De là à penser que ces médias sont – en sous-main – “commanditaires” de ces tribunes, il n’y a qu’un pas.

Il serait en effet assez simple pour un journaliste engagé de dire à ses contacts : “si vous faites cette tribune, on peut la diffuser”.

Nous avons par exemple été assez surpris par la tribune diffusée par le journal La Croix, où un journaliste de ce journal semblait associé aux aspects logistiques d’un des collectifs vraisemblablement à l’origine de la tribune.

Bien entendu, l’implication en amont de journalistes dans la création de ces tribunes est difficile à prouver, mais c’est loin d’être une hypothèse invraisemblable.

Un double effet “boule de neige”

L’utilisation médiatico-politique de ces tribunes produit deux effets “boule de neige” assez pernicieux.

Tout d’abord, leur publication médiatique incite d’autres collectifs ou associations à créer leur propre tribune. Quelle association ne rêverait pas d’être médiatisée ? Elles doivent être nombreuses désormais à vouloir s’engager dans cette brèche médiatique : c’est simple à réaliser, techniquement peu exigeant, sans aucun budget nécessaire, pour des retombées médiatiques potentiellement massives.

Le deuxième effet boule de neige réside dans la continuité des actions. Une fois la tribune relayée par les médias, les associations ou personnes qui en ont été à l’origine vont chercher à prolonger leur avantage, et à utiliser cette renommée fraîchement acquise pour enfoncer le clou et surfer sur le phénomène.

Ainsi, l’appel des 6000 chrétiens relayée par le journal La Croix s’est transformé en manifestation dimanche dernier, avec la création d’un collectif ex-nihilo (“Justice & Espérance”) qui n’existait pas il y a deux semaines. 400 personnes réunies seulement, mais une couverture médiatique importante.

    Vers la fabrique du consentement par la fabrique des faits ?

    Ce blanchiment d’opinion ouvre peut-être la voie à un phénomène plus inquiétant encore : la fabrique des faits. Si tant de personnes et d’associations sont légitimement prêtes à se faire entendre dans les médias, pourquoi ne pas leur montrer – en amont – qu’une action en particulier trouverait son écho si, par hasard, elle venait à être organisée ?

    Il faut se rendre compte de la gravité de ce qu’impliquerait une généralisation de cette relation incestueuse entre journalistes et militants. On s’orienterait en effet vers une fabrique massive des faits dont les médias mainstream seront les principaux responsables, ce qui alimenterait de facto la défiance des citoyens envers les médias, alimentant tous les complotismes.

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