Récemment, nous avons vu de multiples associations, organisations ou personnalités lancer des appels contre la dite “extrême-droite”. Le mode opératoire est de réunir un maximum de signatures, et si possible, des signatures qui pèsent dans l’opinion publique : stars, célébrités, influenceurs, professions réputées sérieuses (avocats, médecins, etc.), etc. Ces tribunes et les signatures sont ensuite massivement relayées dans les médias favorables à cette démarche. Le but est bien entendu d’influencer les électeurs par une pression sociale exercée artificiellement et médiatiquement.
Ces appels à signature posent d’énormes problèmes éthiques et participent à la “bordélisation” du paysage médiatique.
Une pertinence statistique nulle
Prenons l’appel des catholiques de France, diffusé complaisamment par le journal La Croix le 18 Juin. Cet appel réunit environ 6000 signataires.
Or, la France compte environ 3 millions de catholiques pratiquants réguliers.
6000 signataires sur 3 millions de catholiques pratiquants, c’est mathématiquement ridicule. Mais il y a pire : le journal La Croix est diffusé à 82000 exemplaires. Si l’adhésion à cet “appel des catholiques” était si massif, une bonne partie de ces 82000 lecteurs l’auraient bien entendu signé.
Ces appels et tribunes ne font donc que démontrer une chose : la radicalité ou l’imprudence d’une minuscule partie de la population française, qui est prête à jeter son prénom et nom en pâture sur Internet pour ses idées.
Bien que ces tribunes n’aient aucune signification statistique, elles occupent en revanche une partie importante de l’espace médiatique.
Des modalités de collecte et de traitement obscures
Le prénom et le nom sont des informations à caractère personnel. Or, pour la plupart des tribunes et autres appels, il n’est pas fait mention de “responsable de traitement” des informations collectées.
La plupart du temps, on ne sait même qui est à l’origine de la tribune, ni qui collecte et filtre les données.
Exemple : L’appel des 6000 chrétiens
Le formulaire de signature – qui a circulé par email ou messagerie instantanée avant publication – est un simple Google Form.
On constate immédiatement les problèmes suivants :
- Aucune mention n’est faite de l’organisateur de cette tribune ni du responsable de traitement des informations collectées ;
- L’utilisation de Google pour collecter les informations pose en soi question ;
- Aucune mention ne figure sur le processus de validation des informations collectées…
- … Ni qui contacter pour supprimer son nom par la suite !
Rappelons que la liste de l’intégralité des signataires est accessible publiquement.
Pour le RGPD, on repassera…
Autre exemple : la tribune des “sportifs” publiée par le journal l’Équipe
Le même procédé est utilisé pour la tribune des sportifs contre l’extrême-droite.
La tribune commence par “Nous”. Mais qui est ce “nous” ? Le futur signataire ne le sait pas. Ils vont jusqu’à pousser le vice jusqu’à proposer de “rester en contact”, alors qu’on ne sait pas avec qui !
Une absence de vérification des données
Évidemment, des internautes ont tenté de signer ces tribunes avec des noms fantaisistes. Et bien… ça fonctionne ! Ainsi, l’appel des 6000 chrétiens a pour un temps inclus des noms tels que Brigitte Trogneux ou Jacques Mesrine.
L’internaute ayant commis cet action le raconte très bien sur un fil X dédié :
Cela a obligé les “auteurs” de l’appel (mais qui sont-ils ? On ne sait toujours pas !) à mettre enfin en place un dispositif de filtrage, et d’appeler cette action potache un “acte de malveillance”. Le tout publié sur le site de la Croix.
La responsabilité des médias en question
Très honnêtement, tout cela serait pardonnable si ces tribunes et pétitions n’étaient pas aussi relayées par les médias comme parole d’évangile. Après tout, une association, un collectif ou même des particuliers ont parfaitement le droit de faire de l’agit-prop à vocation politique.
Cependant, à partir du moment où les médias – et donc des journalistes – relaient de façon complaisante ces initiatives, ils ont aussi le devoir d’être transparents et vigilants sur l’origine de ces appels à signatures.
Ceci est particulièrement vrai quand ces tribunes peuvent être signées par leur audience après leur publication. Il faut comprendre ici qu’il y a un intérêt majeur à ne pas informer sur les collectifs qui sont à l’origine de ces tribunes, pour ne pas diviser et récolter ainsi un maximum de signatures post-publication.
Mais, ce procédé journalistique est douteux. En effet, signer ce type de tribune – même si le message sera séduisant – c’est aussi transmettre ses coordonnées à des personnes, associations ou collectifs que l’on ne connaît pas, avec une finalité qui n’est pas explicitement écrite, et dont les idées ne sont finalement pas tout à fait partagées par tous les signataires…